Qu’est-ce que le Paganisme ? Au-delà des Mythes et des Idées Reçues

Qu’est-ce que le Paganisme ? Au-delà des Mythes et des Idées Reçues

Qu'est-ce que le paganisme ? Comment ses pratiques ont-elles survécu à travers les siècles ? Dans un monde où les croyances sont souvent mal comprises ou simplifiées à l'extrême, cet article se propose de lever le voile sur la véritable essence du paganisme, de ses racines antiques à sa renaissance moderne.

Origines et Caractéristiques du Paganisme

Une Religion Sans Nom Propre

Il faut savoir avant toute chose que la plupart des païens ne donnaient pas de nom à leurs religions. Cette absence de dénomination s’explique par le fait que ces religions n’étaient pas fermées ni prosélytes, et que les divinités étrangères étaient souvent intégrées aux différents panthéons établis. Pour illustrer cette affirmation par un exemple, il suffit de se souvenir des romains vouant un culte à Isis, ou encore à des divinités celtes, en plus de leurs divinités originelles. Pour le païen, il n’existait donc pas plusieurs religions, mais bien une seule, englobant de nombreux panthéons différents.

Transition vers le Paganisme avec le Christianisme

La notion de paganisme n’apparaît donc qu’avec les débuts du christianisme. Le mot païen, dérivé du mot latin pagus « pays », de même racine que paysan, fut bientôt adopté sous l’empereur Théodose II pour désigner toute religion non chrétienne. Si le mot est issu du pagus latin, c’est parce que le paganisme perdura plus longtemps dans les campagnes et les localités isolées que dans les grands centres urbains. Ceci est la version la plus communément acceptée.

Le Paganisme dans l'Empire Romain

 Il faut pourtant se rappeler que Rome fut le bastion du paganisme, et cela jusqu’à une période très tardive, bien après la chute de l’empire d’Occident. Si le peuple fut facilement converti à la religion du désert, c’est parce que cette dernière louait les pauvres et les faibles, et leur promettait une après vie merveilleuse et éternelle. Le Bas-Empire romain était la période toute désignée pour l’explosion du monothéisme. En effet, l’empire traversait de nombreuses crises économiques et monétaires, le prix du blé avait augmenté et le nombre de pauvres devenait un sérieux problème pour les autorités impériales. La conversion des empereurs leur assurèrent le soutient du peuple et effacèrent pour quelques temps les risques d’émeutes et les insurrections populaires. Mais les intellectuels romains restèrent païens aussi longtemps que leur culte fut toléré, et même au-delà en continuant secrètement de vouer un cultes aux anciens dieux.

La Vraie Origine du Terme

Le rapprochement païens-paysans est donc erroné et cette hypothèse est à rejeter. En se penchant sur les anciens écrits, nous pouvons y trouver une version bien plus proche de la vérité. En effet, Tertullien, écrivain carthaginois du IIIème siècle pcn, différencie les « miles christi » (les soldat du christ, les chrétiens) des « pagana fides » (les fidèles au pays, les païens). Mais la fidélité au pays n’est en aucun cas à rapprocher de l’agriculture, car celle-ci désigne la loyauté à l’empereur et au culte impérial. L’empire (le pays) étant associé à l’empereur (encore païen à cette époque), les pagana fides désignent donc les fidèles à la religion païenne, et donc à l’empereur, contrairement aux chrétiens considérant ce dernier comme un hérétique. Voilà la vraie origine du mot « paganisme »…    

Le paganisme était donc la religion de l’empereur, la religion du pays, la religion originelle. Mais la religion romaine étant ouverte sur les autres polythéismes, pouvons-nous donc appliquer le terme de paganisme qu’au seul panthéon jupitérien ? Non, bien sûr, mais nous ne devons pas non plus sombrer dans l’excès inverse et appeler par païen tous ce qui n’est pas chrétien. (Dans la chanson de Roland, par exemple, les arabes sont appelés païens, ce qui est une aberration). Le paganisme s’applique avant tout aux polythéismes indo-européens ayant été confrontés au christianisme durant le Bas-Empire romain. Ces religions sont liées par différentes notions communes que je vais énumérer ci-dessous et qui ont permis l’interpénétration des différents panthéons sous l’empire romain à son apogée païenne.

Essence et Pratiques du Paganisme

Les Caractéristiques Fondamentales des Religions Païennes

Tout d’abord, ces religions sont fondamentalement non manichéennes. En effet, pour les païens, le bien et le mal existent (dans une certaine mesure), mais ils sont indissociables. Les dieux ne sont ni absolument bons, ni absolument mauvais, à l’image des hommes et en rupture totale avec les grands monothéismes. Si la notion de jugement des âmes existe dans certains paganismes, celle-ci est un rajout postérieur aux croyances originelles.

Diversité et Interpénétration des Panthéons

Ensuite, ces religions ne sont pas dogmatiques. Étant issues de longues traditions orales, il n’existe aucun écrit sacré, ni code religieux formel. Les paganismes prônaient bien évidemment le respect de certaines valeurs, mais aucun païen ne fut jamais excommunié, ni punis, par les temples ou les prêtres parce qu’il en était venu à rompre avec ces valeurs. De ce fait découle l’expression qu’il existait « autant de païens que de paganismes », ce qui est, d’une certaine façon, vrai.

Enfin, ces religions comportent autant de dieux que de déesses, d’où une importance de la femme égale à celle de l’homme. Cette règle, si on la retrouve dans la religion, ne fut cependant guère appliquée dans les sociétés antiques. Il n’empêche que, si les enseignements offerts par ces religions auraient été appliqués à la lettre, la discrimination sexuelle n’aurait pas dû exister dans les sociétés païennes.

Il existe bien entendu d’autres points communs à ces religions, mais cette définition nous permet déjà de donner une liste non exhaustive des religions païennes. Les noms donnés entre parenthèses sont les dénominations actuelles de ces religions : religion romaine (numinisme), grecque (hellénisme), celte (celtisme ou druidisme), germaine-scandinave (asatru ou nordisme), égyptienne (khémitisme), religion arabe pré-islamique, et berbère.

Survie et Renaissance du Paganisme à nos jours

Reconnaissance Officielle et Philosophie Moderne

Les paganismes, bien qu’interdits au cours de l’histoire par les trois grands monothéismes, réapparurent cependant de temps à autres, ou bien ne cessèrent jamais d’exister (comme dans certains pays slaves). La renaissance et la réforme connurent leur lot de païens, mais aussi le XVIIIème siècle et les romantiques tels que Wagner. Aujourd’hui, ces religions ont été officiellement reconnues dans certains pays tels que les Pays-Bas, le Danemark, l’Islande, etc. Elles sont plus souvent considérées comme des philosophies de nos jours du fait de leur concept d’immanence (contrairement à la transcendance monothéiste). Les dieux seuls savent si ces religions reviendront ou non à la surface et regagneront leur grandeur d’antan, mais si Gerard de Nerval disait vrai, alors :

« Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l'ordre des anciens jours ;
La terre a tressailli d'un souffle prophétique ... »
                                                                    Delfica, Gerard de Nerval

 

Gutrif

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